Film : PATERSON

Jim Jarmush : l’art de nous faire rêver avec le quotidien.

Un homme qui dépose un baiser sur le front de sa femme avant de partir travailler.

Une femme qui s’enthousiasme de repeindre les rideaux du salon.

Un couple qui se regarde avec de l’amour, de la tendresse et de l’admiration.

Cela pourrait suffire à résumer le magnifique film de Jarmush mais Patterson c’est bien plus. C’est mille gouttes de rosée qui tombent sur un écran de cinéma. C’est rien et c’est tout !

La poésie, cette mélodie qui donne du sens à nos vies perdue dans un quotidien monocorde.

Dans la répétition des gestes, des habitudes, il y a nos vies. Mais ces vies n’existent que pour ceux et celles qui savent prêter attention aux trésors cachés de ce quotidien qui n’existe qu’à la condition que l’on sache le reconnaître, l’éclairer.

Patterson est un héros du quotidien. Il observe tout ce qui se passe à l’extérieur, son regard se pose aussi bien sur les passagers de son bus que sur l’étrange phénomène de jumeaux qui traverse son existence. Son extraordinaire attention lui vaut aussi tout l’amour et l’admiration de sa femme. Il ne passe pas à côté de ces petits riens que les femmes aiment tant qu’on leur fasse remarquer.

Patterson est ce quotidien, il ne se révèle pas dans l’inattendu mais bien dans cette capacité d’attention à l’égard de ce qui se passe autour de lui et qui le révèle à lui même. Le seul chemin qui mène à soi est l’autre, et ça Patterson l’aura bien compris. La poésie est le chemin qui le mène des autres à lui même.

Aussi quand le troisième personnage de la famille, un bouledogue anglais déchiquette le carnet de poésie de Patterson, le chien jaloux tue son rival. L’animal a très finement senti que pour tuer le père, il fallait tuer le poète.

La beauté de ce film réside aussi dans ce qu’il dit sur la création artistique. A aucun moment, Patterson ne veut être édité, ni même lu. Sa poésie n’a de sens et d’utilité que pour lui. Comme si pour atteindre sa vérité, il ne fallait subir ni l’influence ni le regard des autres. La poésie éclaire Patterson jour et nuit et transcende sa vie, son couple.

Ce qu’il y a de très lumineux aussi dans ce film, c’est cette idée qu’un couple perdure dans le temps non pas grâce à de l’exceptionnel mais simplement en mettant de la créativité dans sa vie. Quelques vers de poésie ou quelques notes de musique pour faire briller les yeux de votre partenaire.

L’art comme un chemin d’éternité pour le couple, c’est peut-être le message que veut nous livrer ce très beau film de Jim Jarmush.